Bonjour à toutes et tous. Après avoir consacré quatre chapitres à la couleur, et quelques retours de votre part, je me suis dit qu’il manquait peut-être quelques exemples concrets de mise en œuvre de ces principes. Je vais donc vous expliquer au travers de trois tableaux, comment les artistes ont utilisé les valeurs et la couleur pour intéresser les observateurs à leurs peintures.
Je vous invite à me suivre et à observer ces tableaux de maitres avec un œil expert. J’ai volontairement passé en noire et blanc et contrasté ces images pour vous aider à bien observer les différentes zones de valeurs lumineuses. Avec toutes les bases que vous venez d’apprendre, je suis certain que vous allez regarder ces œuvres autrement que comme de belles images et mieux comprendre, ce que ces artistes on cherché à montrer au travers de leurs travailles.
Nous commencerons avec une œuvre de Antoine Van Dyck, sur le couronnement d’épine du Christ. Nous observons sur l’image en couleur, deux couleurs dominantes, le bleu et le rouge, une couleur froide et une chaude, en l’occurrence les plus représentatives des deux extrêmes.
Van Dyck a volontairement mélangé le rouge avec un gris, pour ternir la couleur. Cela donne une dominante de bleu et de gris pour une ambiance plutôt froide, le tableau représente un moment triste, c’est pourquoi le peintre privilégie des couleurs sombres et saturées, des couleurs lourdes pour une ambiance lourde.
Nous pourrions observer une erreur sur cette composition, l’habit rouge du personnage de droite qui se trouve contre le cadre. Rappelez-vous ce que je vous ai dit dans la quatrième partie, les couleurs à fort contraste bloquent la lecture au-delà du cadre. En occident, nous lisons de haut en bas et de gauche à droite. Nous lisons les images comme nous lisons un texte. Il nous est plus facile d’imaginer ce qui se trouve après le cadre d’une image à droite qu’à gauche, naturellement notre regard va descendre en bas et à droite, sauf si l’artiste en décide autrement en jouant avec les valeurs pour nous promener dans l’image, comme Van Dyck. L’artiste, n’a donc pas fait d’erreur dans cette peinture, il a volontairement mis cette valeur lumineuse rouge au bord du cadre pour contraindre notre regard à rester dans la scène. Il bloque ainsi notre imagination à ce qu’il veut que l’on regarde. Sur l’image en noire et blanc, il est plus facile de voir les valeurs lumineuses, qui conduisent le regard. Nous observons une composition en cercle qui commence par la fenêtre, ensuite, le crâne du garde à la hallebarde, quelques reflets sur l’armure du garde qui tient la couronne, le visage du personnage en rouge, ensuite on redescend sur un autre homme qui tend au Christ un roseau, notre regard est conduit ensuite par la tête du chien qui nous ramène au personnage derrière le Christ et enfin le Christ dans sa résignation. Bien sûr cette observation est très rapide en réalité, mais les valeurs conduisent notre regard comme l’a voulu l’artiste.
Nous allons continuer notre démonstration avec un maitre de la lumière. Johannes Vermeer, qui a et influence encore les peintres et photographes d’aujourd’hui. Adepte d’une source lumineuse unique, les compositions de Vermeer sont d’une efficacité redoutable, souvent réalisée en clair obscure, sa maîtrise des valeurs donne toujours une lecture fluide de ses peintures. Dans cette oeuvre, « Le géographe », Vermeer, nous conduit à découvrir le bureau d’étude d’un scientifique. La source de lumière est la fenêtre, cependant les éléments mit en avant, sont les cartes sur la table et au sol, normale, le type est géographe, avec la chemise et le profil du visage, ce sont les valeurs les plus lumineuses du tableau. Avec la version noire et blanc, observons les valeurs. La lumière de la fenêtre éclaire respectivement les éléments propres à la profession du géographe. La carte qu’il dessine, le compas, la robe de chambre japonaise, les livres sur l’armoire, la mappemonde, une carte finie au mur, la chaise contre le mur, les cartes au sol, le crayon sur le coffre, et les reflets discret sur le tapis persan. En équilibrant les valeurs lumineuses sur ce que le peintre veut nous montrer, l’artiste nous montre les outils du géographe et les objets ramenés de ces voyages.
Analysons les couleurs. L’ensemble utilise des couleurs chaudes qui donnent une ambiance agréable et accueillante. L’ensemble étant fait de jaune de rouge et d’ocre, Vermeer, habille son personnage de bleu, la couleur complémentaire de l’orange. Cela focalise notre regard sur le sujet du tableau. Nous observons des contrastes élevés au-devant de la scène et un arrière-plan plus clair, cela accroit la perspective atmosphérique et donne de l’espace et de la profondeur à l’image. Vermeer a aussi utilisé l’appairage des couleurs pour équilibrer son tableau. Cette technique est difficile à mettre en œuvre, mais unifie et équilibre les peintures. Observez la couleur du tableau extérieure de la fenêtre, c’est la même couleur que la partie éclairée du mur, l’huisserie de la partie haute de la fenêtre avec la carte roulée, la mappemonde et le sol, le coffre avec l’armoire, la chaise avec le tapi, l’ombre intense derrière l’armoire avec le rideau en contre-jour. Nous retrouvons aussi dans le tapis des touches du même bleu que la robe de chambre. Comme vous le voyez, il n’y a pas de hasard, et la maîtrise des valeurs et des couleurs est le résultat d’un travail soutenu.
Bon allez, un dernier exemple, toujours avec Johannes Vermeer. Un exemple plus simple, avec « la jeune fille à la perle ». Dans cette peinture nous allons regarder le chemin que le peintre fait prendre à sa lumière. Rappelez-vous, nous lisons de gauche à droite et de haut en bas. L’absence de décor nous amène de suite sur le visage de la jeune fille, nous nous arrêtons sur les yeux, ce sont les plus fortes valeurs avec la perle, le col et ensuite le reflet sur la lèvre inférieure et la partie éclairée du visage. Les yeux penchent vers la perle et la partie tombante de la coiffe guide notre regard dans cette direction, le col reconduit notre regard vers le coin inférieur gauche du tableau, mais comme il n’y pas d’information de valeur pour accrocher notre intérêt, nous remontons de nouveau vers le visage, et on est reparti pour un tour, c’est de cette façon que certains tombent raide dingue d’un œuvre.
Nous retrouvons comme sur le tableau précédent une association de couleurs complémentaires avec les tons orange et ocre du manteau et le bleu de la coiffe.
Voilà, pour ce complément aux chapitres sur la couleur. Je pense que ces quelques exemples, après avoir lu les règles qui les régissent, vous aideront à mieux comprendre la théorie, ce qui n’était peut-être pas facile à digérer. Bien sûr, nous avons vu la couleur, les contrastes et leurs valeurs, mais la réussite d’une illustration dépend aussi de règles de composition, de perspective, d’éclairage, d’équilibre de lumières et d’ombres. Nous verrons cela dans des chapitres à venir.
J’espère que ces quelques conseils vous aideront dans vos créations.
À bientôt
Tierr
Pour revoir les billets sur la couleur, c’est par ici :